La surveillance des traitements anticoagulants fait partie intégrante du quotidien infirmier. Chez les patients sous héparine ou antivitamines K (AVK), les IDEL ont un rôle central dans la prévention des accidents thromboemboliques ou hémorragiques. Ce suivi rigoureux, à domicile, permet de sécuriser le traitement, de réagir rapidement en cas d’effet indésirable et de garantir la continuité des soins en lien avec le médecin prescripteur et le laboratoire. Mais comment mettre en place cette surveillance ? Quels sont les signes d’alerte ?
- Héparine, AVK : pourquoi surveiller de près ?
- Quelles différences entre héparines et AVK ?
- Quelles sont les méthodes de surveillance biologique ?
- Quelles sont les autres méthodes de surveillance des patients sous héparine et AVK ?
- Anticoagulants et chirurgie : attention aux périodes charnières
Héparine, AVK : pourquoi surveiller de près ?
Les traitements anticoagulants sont largement prescrits pour prévenir ou traiter les thromboses veineuses, les embolies pulmonaires ou encore en post-opératoire. Mais leur efficacité repose sur un équilibre délicat. Trop dosés, ils exposent à des saignements parfois graves. Sous-dosés, ils laissent le risque thrombotique persister.
La surveillance vise donc à :
- évaluer l’efficacité du traitement (prévenir une récidive thrombotique) ;
- limiter les complications (hémorragies, nécroses, interactions…) ;
- adapter le traitement selon l’évolution clinique ou biologique du patient.
Quelles différences entre héparines et AVK ?
Les héparines agissent rapidement :
- L’héparine non fractionnée (HNF), administrée par voie IV ou SC, nécessite une surveillance biologique étroite, notamment par le dosage de l’activité anti-Xa ou du TCA. Elle se lie à l’antithrombine III pour inhiber la coagulation. Son administration est intraveineuse ou sous-cutanée.
- Les héparines de bas poids moléculaire (HBPM), comme l’énoxaparine, sont plus faciles à manier en ville mais doivent être utilisées avec prudence chez les insuffisants rénaux ou les patients âgés. Les injections d’HBPM doivent respecter les sites d’administration recommandés (abdomen), sans massage post-injection.
Les AVK (Warfarine, Acénocoumarol) agissent en inhibant la synthèse hépatique des facteurs de coagulation dépendants de la vitamine K. Leur effet est retardé (24-72h) et leur variabilité interindividuelle élevée nécessite une surveillance biologique stricte. Le suivi de l’INR est la pierre angulaire du traitement par AVK. L’objectif est d’obtenir un INR stable dans la zone thérapeutique (souvent entre 2 et 3, selon l’indication). Trop bas : risque de thrombose ; trop élevé : risque hémorragique.
Quelles sont les méthodes de surveillance biologique ?
Pour les héparines
Indiqué dans certains cas, le dosage de l’anti-Xa permet d’évaluer l’effet réel des HBPM sur la coagulation. Il se réalise 3 à 4 heures après l’injection. C’est un outil important dans les situations à risque (insuffisance rénale, extrêmes de poids, grossesse…).
Pour l’HNF, le TCA est utilisé en hospitalisation pour ajuster les doses. En libéral, ce type de surveillance reste rare mais doit être connu en cas de relais ou de coordination avec l’hôpital.
Pour les AVK
En initiation, un INR est réalisé plusieurs fois par semaine. Une fois l’équilibre atteint, la fréquence peut être espacée (toutes les 2 à 4 semaines). Toute modification (changement d’alimentation, ajout de médicament, infection…) peut perturber l’INR.
L’IDEL doit savoir repérer les situations à risque :
- INR > 4,5 (risque hémorragique accru)
- INR < 1,5 (perte d’efficacité).
La transmission rapide des résultats au médecin traitant est indispensable pour réévaluer le traitement.
Le rôle de l’IDEL est alors essentiel :
- veiller au respect des dates de prélèvement
- observer les signes d’alerte (ecchymoses, saignements, hématurie, méléna…)
- alerter le médecin si besoin
En pratique : protocoles de soins et conduites à tenir
Au quotidien, l’infirmier doit :
- s’assurer de l’identitovigilance du patient ;
- respecter scrupuleusement les modalités d’administration ;
- évaluer les signes cliniques de saignement ou de thrombose ;
- connaître les gestes à adopter en cas d’hémorragie (arrêt du traitement, compression, appel médical…).
Certaines situations imposent une vigilance accrue : patients polymédiqués, dénutrition, insuffisance hépatique ou rénale, contexte de chute ou de plaies.
Quelles sont les autres méthodes de surveillance des patients sous héparine et AVK ?
Une inspection régulière de la peau (ecchymoses, hématomes), des urines, des selles (méléna), des gencives ou des règles permet un repérage précoce. L’IDEL interroge aussi le patient sur d’éventuels maux de tête, douleurs inhabituelles, vertiges… Face à une suspicion d’hémorragie, l’IDEL interrompt l’administration et alerte immédiatement le médecin. Selon la gravité, un transfert vers les urgences peut être nécessaire. L’utilisation de l'antidote (vitamine K pour les AVK) est décidée par le prescripteur.
Douleurs au point d’injection, allergies, réactions cutanées, fluctuations de l’INR… doivent être signalées et tracées. L’IDEL peut aussi jouer un rôle de médiateur dans l’ajustement du traitement.
Anticoagulants et chirurgie : attention aux périodes charnières
Certaines pathologies (fibrillation auriculaire, valve mécanique, antécédents de thrombose) exposent à un risque élevé en cas d’interruption d’un traitement anticoagulant. L’IDEL doit vérifier l’indication et informer l’équipe médicale si une chirurgie est prévue.
L’évaluation du risque thromboembolique (type de pathologie, antécédents, indication du traitement) guide la décision. La reprise post-opératoire doit être adaptée au risque hémorragique du geste réalisé. L’IDEL peut être amené à surveiller les signes de saignement, reprendre une HBPM relais, assurer la reprise de l’AVK et organiser les bilans biologiques de contrôle.
Selon le niveau de risque, un relais par HBPM peut être mis en place avant l’arrêt des AVK. L’IDEL intervient souvent dans l’administration et la surveillance de ces relais.
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Le bon usage des anticoagulants repose sur une coordination étroite entre le médecin, le laboratoire et l’infirmier. À domicile, l’IDEL est souvent le premier à repérer une complication ou une dérive biologique. D’où l’importance de maîtriser les mécanismes d’action, les modalités de surveillance, et les conduites à tenir. La formation continue reste essentielle pour actualiser ses connaissances et sécuriser les prises en charge.
Cet article a été validé par des professionnels de santé et vérifié par des sources sûres au moment de sa publication. Il ne prétend cependant pas à l’exhaustivité des informations fournies. Le présent article n’a qu’un but informatif et ne remplace pas une formation ou un conseil médical.