La résistance aux antimicrobiens (RAM) ou résistance aux antibiotiques, ou encore antibiorésistance, représente un défi de santé publique majeur, avec des répercussions globales. En France, selon Santé Gouv, cette résistance est responsable chaque année de 5500 décès, un chiffre qui pourrait croître de manière alarmante si aucune action n’est entreprise pour limiter ce phénomène.
Le concept de santé globale One Health souligne l’importance de prendre en compte à la fois la santé humaine, animale et environnementale pour prévenir et lutter contre la RAM, car la résistance des micro-organismes affecte non seulement les humains, mais aussi les animaux et les écosystèmes. En tant qu’acteur de santé publique, le pharmacien peut jouer un rôle clé dans cette lutte. Mais à quel niveau ?
- Qu’est-ce que la résistance aux antimicrobiens (RAM) ?
- Quels sont les facteurs aggravants de la résistance ?
- Quelles sont les conséquences de la RAM ?
- Pourquoi le pharmacien est un acteur clé dans cette lutte
Qu’est-ce que la résistance aux antimicrobiens (RAM) ?
La RAM est la capacité d'un micro-organisme (bactérie, virus, champignon, parasite) à résister aux effets d'un ou plusieurs antimicrobiens qui étaient auparavant efficaces pour empêcher leur multiplication et/ou les détruire.
Cette résistance rend certaines infections plus difficiles à traiter, nécessite l’utilisation d’antibiotiques plus puissants et augmente le risque de complications graves.
L'antibiorésistance est un phénomène naturel d'adaptation des agents pathogènes à leur environnement. Naturellement, certaines bactéries sont résistantes à certains antibiotiques. Mais l'utilisation abusive ou inadaptée des antibiotiques provoque le développement de nouvelles résistances.
Les micro-organismes résistants échappent aux traitements antibiotiques de première intention. Ils contraignent alors à utiliser des antibiotiques de seconde, voire de troisième intention. Parfois, plus aucun antibiotique ne peut agir sur la bactérie multirésistante. Les infections par des agents résistants conduisent ainsi à des infections plus sévères, plus longues, voire fatales.
Quels sont les facteurs aggravants de la résistance ?
La résistance aux antimicrobiens peut être augmentée par plusieurs facteurs :
- L’utilisation d’antibiotiques de spectre large sur de longues durées de traitement favorise l’apparition de résistance ;
- La multiplication des traitements antibiotiques sélectionne des bactéries de plus en plus résistantes ;
- Le mésusage des antibiotiques : l’automédication, la prise inappropriée d’antibiotiques ou leur utilisation pour des infections virales (comme le rhume ou la grippe) contribuent à la résistance. De plus, l’arrêt prématuré des traitements et le non-respect des doses prescrites aggravent ce problème.
- L’utilisation intensive des antibiotiques en santé animale, à la fois pour les animaux d’élevage et domestiques.
Nous ne sommes pas tous égaux face à l’antibiorésistance. Les personnes âgées, les nourrissons et les jeunes enfants et les patients souffrant de maladies chroniques ou immunodéprimées sont plus vulnérables aux infections bactériennes, ce qui augmente leur exposition à des traitements antibiotiques.
Certains contextes de voyage peuvent également favoriser l’infection par des bactéries résistantes.
Les hôpitaux et établissements de soins sont des lieux à haut risque où les infections nosocomiales peuvent se propager rapidement chez des patients fragiles. Les personnes hospitalisées sont pour l’instant les principales victimes de l’antibiorésistance.
Quelles sont les conséquences de la RAM ?
Les conséquences de la résistance aux antimicrobiens (RAM) sont graves et de plus en plus visibles. Avec l'augmentation de la résistance, les antibiotiques de première intention deviennent inefficaces, obligeant les professionnels de santé à recourir à des antibiotiques de réserve, parfois moins efficaces et susceptibles de provoquer davantage d’effets secondaires. À l’extrême, plus aucun antibiotique n’est efficace contre la bactérie multirésistante.
Selon une étude de Santé Gouv, les infections à bactéries résistantes touchent plus de 120 000 cas par an en France et cela risque d’augmenter. En effet, un rapport de l'OMS, si la tendance actuelle se poursuit, la résistance antimicrobienne pourrait causer jusqu’à 10 millions de morts par an d’ici 2050. En France, les décès dus à la RAM sont déjà responsables de milliers de morts chaque année, illustrant l’urgence de la situation et l’importance de prendre des mesures pour limiter ce phénomène.
Pourquoi le pharmacien est un acteur clé dans cette lutte ?
En tant que professionnel de santé de proximité et acteur de santé publique, le pharmacien doit au quotidien informer et sensibiliser les patients, mais aussi garantir le bon usage des antibiotiques.
Ses rôles
1. Le bon usage des antibiotiques
Le pharmacien applique les bonnes pratiques de pharmacie clinique lors de la délivrance des antibiotiques, en vérifiant l’indication thérapeutique et en sécurisant la délivrance. Il explique au patient l'importance de respecter les prescriptions ou de ne pas interrompre le traitement prématurément. Il sensibilise les patients à l’utilisation appropriée des antibiotiques, notamment en ce qui concerne le choix, la durée du traitement et le respect des doses prescrites.
Il veille également à les dissuader de s’auto-médiquer, notamment l’utilisation d’un antibiotique prescrit à une autre personne ou dans un autre contexte, ainsi que la pression pour obtenir des prescriptions inutiles. Seules les infections bactériennes doivent être traitées par des antibiotiques.
2. Un acteur de la vaccination
En assurant la promotion des vaccinations, mais aussi en prescrivant et en administrant les vaccins, le pharmacien contribue à l’amélioration des couvertures vaccinales, en particulier pour les sujets fragiles : les nourrissons et les jeunes enfants, les femmes enceintes, les personnes âgées et les personnes atteintes de comorbidités. La vaccination est l’un des moyens de lutte les plus efficaces pour réduire le recours aux antibiotiques et donc l’antibiorésistance.
Par exemple, la vaccination contre les infections à méningocoques ou la tuberculose réduit le nombre d'infections qui nécessitent des antibiotiques, contribuant ainsi à la réduction de la résistance.
3. La prévention des infections
Le pharmacien joue par ailleurs un rôle dans la promotion des gestes barrières et de l’hygiène pour prévenir la propagation des infections. Cela inclut :
- La sensibilisation à l’hygiène des mains et des bonnes pratiques d’hygiène personnelle, qui sont essentielles pour limiter la transmission des agents pathogènes responsables des infections.
- Les tests de dépistage rapide (TROD), qui permettent de différencier les infections bactériennes des infections virales et d’éviter la prescription inutile d’antibiotiques. Par exemple, les tests rapides pour la grippe ou la COVID-19 permettent de mieux orienter les patients sans recourir systématiquement à des antibiotiques.
4. La gestion des antimicrobiens en milieu hospitalier
En milieu hospitalier comme en ville, le pharmacien travaille en étroite collaboration avec les médecins généralistes et les infectiologues pour optimiser les recommandations de traitement des infections, la prescription et l’usage des antibiotiques, en sélectionnant les médicaments les plus appropriés et en s'assurant qu'ils sont utilisés à bon escient.
En ville, les centres régionaux d’antibiothérapie (CRAtb) font appel à l’expertise des professionnels de santé, dont les pharmaciens, pour garantir un meilleur usage des antibiotiques. À l’hôpital, le pharmacien participe activement aux programmes de gestion des antimicrobiens (PGA), visant à réduire les prescriptions excessives et à suivre les tendances de résistance.
Enfin, il aide à prévenir les infections nosocomiales, en mettant en œuvre des protocoles d'hygiène stricts et en surveillant l'utilisation des antibiotiques pour limiter la propagation des bactéries résistantes.
Cet article a été validé par des professionnels de santé et vérifié par des sources sûres au moment de sa publication. Il ne prétend cependant pas à l’exhaustivité des informations fournies. Le présent article n’a qu’un but informatif et ne remplace pas une formation ou un conseil médical.
Sources :