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Docteur, c’est quoi une démarche palliative ? 

L’enjeu de la démarche palliative est de donner le juste soin, au bon moment au bon endroit et surtout selon la volonté du patient ou du résident. Mais pour cela, il faut la recueillir cette volonté ! 

Ce qui est donc essentiel, c’est que chaque personne ait un échange avec un binôme médecin-soignant dès son arrivée en établissement de santé ou en EHPAD, afin de recueillir ses souhaits et identifier les limites au-delà desquelles, elle ne souhaite pas aller, en cas d’aggravation. Finalement, ce n’est jamais le bon moment, en fait c’est plutôt que les professionnels trouvent difficile de trouver les mots justes et adaptés, alors que la personne vient tout juste de quitter sa maison, son environnement, ses animaux de compagnie et ses habitudes. Souvent les documents des directives anticipées sont laissés de côté et ne sont pas remplis. 

Mais il y a l’art et la manière de le faire. Et cela ne s’invente pas, il est nécessaire d’être formé pour trouver les mots. Comment parler de la mort, de la maladie ? Comment amener les directives anticipées ? Être en contact avec la mort, ce n’est pas rien, surtout pour des jeunes soignants, cela peut casser des vocations. Il y a encore trop d’aides-soignants et d’infirmiers quotidiennement confrontés à la douleur, aux peurs et à la mort de leur patient ou de leur résident, sans formation aux soins palliatifs et sans accompagnement, et qui se souviendront toute leur vie d’une fin de vie difficile. 

La deuxième chose constitutive de la démarche palliative est la capacité qu’a le médecin à l’acter, la tracer. C’est le démarrage d’une autre prise en charge, d’un autre paradigme, d’un autre projet de soins qui est construit en fonction du désir de la personne. Car la seule chose qui compte dans une prise en charge palliative, c’est que la personne soit confortable et paisible. Les traitements doivent tous être reconsidérés à l’aune du rapport bénéfice/inconvénient avec l’accord du patient.

Comment les établissements justement peuvent mettre en place cette démarche ? 

Tous les établissements de santé et tous les EHPAD doivent écrire un projet d’accompagnement de la fin de vie. Pour l’anticiper en identifiant les volontés et les limites posées par chaque patient ou résident, mais aussi pour gérer le décès et l’après. Car trop souvent encore, la mort est passée sous silence, rien n’est dit, organisé lorsque le décès arrive. La mort fait partie de la vie, c'est normal qu'on meurt en EHPAD ou à l'hôpital, on veut maintenant tout cacher et tout occulter. Donc, il y a à la fois une démarche sociétale à faire pour se réapproprier la mort et changer notre regard sur ce moment qui reste un grand moment de vie.

Le projet d’accompagnement de la fin de vie doit aussi : définir comment soutenir les soignants qui ont vécus des décès éprouvants, institutionnaliser des lieux et des temps pour partager, débriefer, et prendre soin aussi de la santé des soignants. Ils restent trop souvent seuls face à ces situations de fin de vie. 

Enfin, ce projet permet également de définir la graduation de l’offre de soins et d’anticiper le recours à des équipes spécialisées Soins Palliatifs. Ceci est d’autant plus important dans les zones dépourvues de ces équipes spécialisées : il faut d’autant plus anticiper, créer du lien avec des référents Soins Palliatifs qui peuvent être appelés pour des conseils, mutualiser les ressources entre plusieurs zones qui peuvent également avoir un rôle de conseil, créer un carnet d’adresse et un maillage d’une offre graduée. 

Quelle place donnez-vous à la famille dans l’accompagnement de la fin de vie ? 

La première ! La famille doit toujours avoir la première place. Pendant la période du COVID, les interdictions de visite des familles auprès de proches mourants dans nos établissements de santé ont eu des conséquences désastreuses et regrettables. La mort a été trop médicalisée, elle doit redevenir un évènement familial et social. Elle doit être toujours informée. Plus une famille est exigeante, imposante et en décalage avec les désirs de la personne en fin de vie, plus il faut les recevoir et leur expliquer les soins et la démarche qui ont été décidés en fonction des désirs et des besoins de la personne. Dire de façon claire : ce que l’on fera et ce que l’on ne fera pas et rechercher toujours à créer une alliance thérapeutique.

Mais, attention à garder une extrême vigilance à respecter le désir du malade, qui n’est pas toujours celui de la famille. Or trop souvent, nous écoutons davantage la famille, en lui demandant son avis avant et à la place du malade. Le rôle du soignant est alors de se positionner face à des familles qui peuvent contester ou s’opposer, en allant ainsi à l’encontre des désirs du malade. On doit les informer, pas forcément leur demander leur accord, toutes nos lois sont très claires sur ce point. Et je n’ai jamais vu en 25 ans de pratique, une famille aller à l’encontre de la volonté d’une personne en fin de vie si son besoin et son choix étaient clairement exprimés.

Il faut impérativement que le résident/malade reste sujet de soin et non pas objet de soin.

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