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Le délai d’attente pour consulter un pédiatre est passé de 2 semaines et 4 jours il y a 5 ans à 3 semaines et 3 jours l’année dernière. En France, 80% des enfants sont suivis par un médecin généraliste. Selon le dernier rapport de Santé publique France, environ 1 à 2 enfant sur 100 est diagnostiqué autiste (environ 8000 enfants par an). 

En novembre 2023, le président Emmanuel Macron a annoncé les mesures de la nouvelle stratégie nationale pour les troubles du neuro-développement. L’enveloppe s’élève à 680 millions d’euros, contre 543 millions d’euros pour le précédent plan. Entre autre, une nouvelle grille simplifiée de repérage des écarts de développement sera inscrite dans le carnet de santé : “Comme la courbe de poids ou le suivi des vaccins, il faut pouvoir se pencher de manière attentive et précise sur ce développement lors de chaque examen obligatoire de santé.” indiquait Fadila Khattabi, ministre déléguée chargée des Personnes handicapées. 

Voici donc une nouvelle mission pour les médecins généralistes.

Comment diagnostiquer un enfant atteint de troubles du neurodéveloppement ? A quel moment l’adresser à une plateforme de coordination et d’orientation (PCO) ?

Toutes ces questions, chaque médecin généraliste se les est déjà posées sans forcément avoir de réponses. Mais d’ici au printemps 2024, un nouveau guide de 20 pages sera ajouté au carnet de santé de tous les enfants pour aider à détecter précocement les troubles du neurodéveloppement. Ce livret est conçu pour aider les professionnels de la santé à évaluer le développement des enfants de moins de 7 ans lorsque des inquiétudes sont exprimées par la famille ou les professionnels de la petite enfance grâce à des signes d'alerte dans les domaines de la motricité, du langage et de la socialisation.

Nous avons interrogé le Docteur Jeune, pédiatre spécialisée dans les TND et formatrice pour Santé Académie, afin d'en savoir plus sur ce nouveau guide qui d’après elle, n’est évidemment pas parfait, mais est sensiblement plus complet que l’ancien. La différence majeure étant la création d’un repérage par tranche d’âge (6 à 11 mois, 12 à 17 mois par exemple) et non plus par âge fixe (6 mois). Chaque enfant de 6 mois à 7 ans sera donc concerné, ce qui n’était pas le cas avant.

“Petit bémol cependant : il est évident qu’un enfant de 9 mois a beaucoup plus de chance de répondre aux critères demandés car il a continué son développement, et que les items correspondent à ce qui est attendu à 6 mois”

En tant que pédiatre spécialiste des troubles autistiques, que pensez-vous de l'introduction de ce guide dans le carnet de santé ?

La première version de ce guide a permis, depuis 2020, de repérer 68 000 enfants atteints de pathologie. Ce sont des chiffres très significatifs mais encore insuffisants. Le carnet de santé est remis gratuitement à la naissance de chaque enfant, le plus souvent par la maternité. Le fait d’intégrer ce guide directement à ce dernier va permettre un dépistage presque systématique des troubles du neurodéveloppement. 

Ce qui me questionne, c’est qu’il est indiqué que ce guide a vocation à être utilisé lors d’une consultation courante, or la consultation courante d’un médecin généraliste est en moyenne de 15 min. A chaque âge, ce guide contient environ 10 à 15 questions à se poser sur le développement de l’enfant, ce paraît difficilement  faisable, d’autant que c’est en complément des missions habituelles d’une consultation : examen clinique, vaccins, conseils… et que la démarche d’orientation prend elle aussi du temps.

Quels critères ou signes d'alerte spécifiques pensez-vous être les plus importants à évaluer lors de l'utilisation de ce questionnaire ?

Le guide est plus précis qu’avant. Certains critères et signes d’alerte qui n’existaient pas avant ont été intégrés. Ce qu’il faut retenir c’est que pour diagnostiquer des TND,  il faut rechercher des antécédents, des atypies dans la vie quotidienne et des atypies comportementales. À noter, pour suspecter un trouble du neurodéveloppement, les critères de difficultés dans la vie quotidienne sont très importants, ils ont été rajoutés dans cette nouvelle version du guide.  

“Est-ce que votre enfant est trop sage?”

Cette question est souvent oubliée lors d’un entretien avec un parent. Un enfant sage a tendance à n’inquiéter personne, pourtant la passivité est une atypie du comportement souvent présente dans les TND, c’est signe d’un trouble de l’initiative motrice et relationnelle. Le problème pour faire un diagnostic de TND, c’est que les jeunes enfants se présentent avec des difficultés très variées et non spécifiques, ils sont soit “trop” soit “pas assez”. Être autiste, c’est être “en dehors d’une courbe de Gauss”: marcher plus tôt ou plus tard, parler plus tôt ou plus tard, être passif ou être agité… L’alimentation n’est pas comme les autres, le sommeil n’est pas comme les autres, la motricité n’est pas comme les autres mais c’est souvent pris pour des caractéristiques personnelles banales, on entend souvent : il faut lui laisser le temps, chacun son rythme…

Voici quelques exemples d'ajouts à retenir qui étaient absents de l’ancien livret :  

  • Grande sélectivité alimentaire (aversion pour certaines textures alimentaires et/ou refuse les morceaux, et/ou aversion pour les aliments d’une certaine couleur).
  • L’étude des comportements instinctuels, sensoriels et émotionnels.
  • Les comportements et intérêts inhabituels (passivité).

À noter, dans ce questionnaire, c’est que si un enfant peut être défini “en retard” dans une des catégories mais pas dans les autres. Cela ne suffit pas à l’adresser à une plateforme de coordination et d’orientation (PCO). Il faut au moins 2 à 3 critères selon l’âge dans au moins 2 domaines différents.

Pensez-vous que ce guide puisse aider les médecins généralistes à dépister précocement les TND ? Sont-ils suffisamment formés pour cela ?

Ce guide est plus intuitif. Tout y est mieux expliqué, les critères sont plus implicites et il est plus simple à remplir. Il est accessible par voie numérique mais également par voie papier. Il est adapté donc à toutes sortes de pratiques. Malheureusement, il existe peu de communication sur ce nouveau guide. Les PCO ont même appris par les médias l’existence de ce dernier. C'était la suite logique de l’intégrer dans le carnet de santé. Avant, le médecin devait savoir que ce guide existait, aller chercher l’information sur internet, avoir l’idée de le remplir et savoir à qui l’adresser tandis que maintenant dans le carnet de santé il sera accessible facilement et directement. 

Quand il remplit le questionnaire, le médecin a plusieurs possibilités. Il peut adresser tout de suite l’enfant à la PCO ou il peut se donner quelques semaines et revoir l‘enfant. Il peut également prendre contact avec un médecin coordinateur pour avoir son avis. S’il est très inquiet, en complément de l’adressage à la PCO, il peut l’adresser directement en urgence par un neuro-pédiatre. On ne l’invite pas à se précipiter mais plutôt à réfléchir. 

Aujourd'hui, il y a beaucoup d'enfants qui ne sont pas diagnostiqués. Les signes d’alerte ne sont pas forcément connus. L’autisme, c’est le trouble que l’on peut diagnostiquer le plus tôt. On recommande vers 18 mois, en cas de doute, d’utiliser le questionnaire M-CHAT qui est un guide de dépistage du trouble de développement à risque autistique et ensuite le diagnostic pourra être posé à partir de 2 ans et demi/ 3 ans.

Vous avez réalisé une formation sur l'autisme à destination des médecins généralistes : quelle est selon vous l'importance de cette formation à l'heure où les délais d'attente chez les pédiatres explosent ?

Il existe des formations pour utiliser cette brochure. Il faut surtout changer l’état d’esprit des médecins. Il faut que ce soit aussi naturel pour un médecin d’annoncer un trouble du neurodéveloppement que d’annoncer une maladie comme un diabète. Annoncer c’est permettre de soigner. C’est là tout l’intérêt de la formation sur les troubles du neurodéveloppement de Santé Académie pour les généralistes qui suivent les enfants.

La clef, c’est également les parents. Former les médecins oui, mais également les parents. Il faut que les parents se sentent concernés, qu’ils soient sensibilisés et que leur médecin puisse les écouter, les accompagner et répondre à leurs questions. Et pour cela, il faut des médecins formés qui les guident, qui leur donnent le mode d’emploi. La formation est donc essentielle sur ce sujet.

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