Dans un cabinet médical, il n’est pas rare de croiser un patient dont les habitudes de vie évoluent discrètement, jusqu’à devenir envahissantes. Jeux d’argent, pornographie, jeux vidéo, achats compulsifs… Derrière ces pratiques, parfois banalisées, peut se cacher une véritable addiction comportementale, source de souffrance et de complications. Repérer ces troubles à temps, c’est prévenir des conséquences délétères, mais aussi aborder, avec justesse et sans jugement, des sujets souvent tabous.
- Qu’est-ce qu’une addiction comportementale ?
- Quels sont les signes et symptômes des addictions comportementales ?
- Comment dépister une addiction comportementale ?
- Comment agir en cas de suspicion d’addiction ?
- Quelles sont les responsabilités des professionnels de santé ?
- Comment prévenir les addictions comportementales en tant que médecin ?
Qu’est-ce qu’une addiction comportementale ?
L’addiction comportementale, aussi appelée « addiction sans substance », se définit comme l’impossibilité de contrôler la pratique d’une activité, malgré ses conséquences négatives sur la vie personnelle, sociale ou professionnelle. Cette perte de contrôle s’accompagne d’une priorité donnée à l’activité au détriment d’autres centres d’intérêt, ainsi que d’une poursuite du comportement malgré la survenue de problèmes.
À ce jour, seules deux addictions comportementales sont officiellement reconnues dans les classifications internationales (CIM-11, DSM-5) :
- Le jeu d’argent pathologique (« gambling disorder »)
- Le trouble du jeu vidéo (« gaming disorder »)
D’autres comportements, comme l’addiction au sexe, à la pornographie, aux achats compulsifs, à l’exercice physique ou aux écrans (usage et contenus), font l’objet de recherches et de débats, mais ne disposent pas encore de critères diagnostiques consensuels.
Quels sont les signes et symptômes des addictions comportementales ?
Les comportements typiques d’une addiction comportementale
Il est important de différencier des comportements occasionnels d’une véritable addiction. Ces signes doivent s’inscrire sur la durée, c’est-à-dire au moins plusieurs mois pour conclure à un comportement addictif. Voici ceux que vous pouvez repérer :
- Isolement social progressif
- Irritabilité, anxiété ou agitation en cas d’impossibilité de pratiquer l’activité
- Perte d’intérêt pour d’autres loisirs ou obligations
- Augmentation du temps consacré à l’activité, au détriment des relations et des responsabilités
Les conséquences sur la santé physique et mentale
- Troubles anxieux et dépressifs
- Troubles du sommeil, fatigue chronique
- Problèmes financiers, professionnels ou scolaires
- Dégradation des relations familiales et sociales
Comment dépister une addiction comportementale ?
Le dépistage débute par une écoute attentive et une anamnèse orientée. Voici un exemple des quelques questions que vous pouvez poser :
- « Est-ce qu'il vous arrive de passer plus de temps que prévu initialement à faire cette activité ? »
- « Avez-vous le sentiment de perdre le contrôle sur cette activité ? »
- « Est-ce que cette pratique vous cause des difficultés dans votre vie quotidienne ? »
- « Avez-vous déjà essayé de réduire ou d’arrêter sans succès ? »
- « Quelles conséquences cette activité a-t-elle eues sur votre santé, vos finances, vos relations ? »
Ensuite, des outils standardisés existent pour évaluer le niveau d’addiction comme :
- Échelle de compulsivité (par exemple, South Oaks Gambling Screen pour les jeux d’argent)
- Questionnaires spécifiques pour les jeux vidéo ou les achats compulsifs
- Tests en ligne d’auto-évaluation disponibles sur des sites spécialisés (Addict’Aide)
Comment agir en cas de suspicion d’addiction ?
L’évaluation doit être globale, intégrant la fréquence, l’intensité et l’ancienneté du comportement, les antécédents psychiatriques, et les conséquences personnelles, sociales et économiques. Le diagnostic formel, notamment pour les cas complexes, relève souvent d’un psychiatre spécialisé en addictologie.
En option de traitement, on pourra envisager :
- Thérapie cognitivo-comportementale (TCC), validée pour la plupart des addictions comportementales
- Groupes de soutien (associations de patients, groupes anonymes)
- Interventions pharmacologiques dans certains cas, notamment en présence de troubles associés (anxiété, dépression)
En cas de doute ou de résistance au changement, une orientation vers un psychologue, un psychiatre ou un centre spécialisé en addictologie est recommandée. Des ressources d’information et des lignes d’écoute sont également disponibles pour les patients et leurs proches.
Quelles sont les responsabilités des professionnels de santé ?
Face à la diversité et à l’évolution rapide des pratiques addictives, la formation continue des médecins généralistes est essentielle pour actualiser ses connaissances et repérer précocement ces troubles, notamment les formations sur le repérage et la prise en charge des conduites polyaddictives.
Créer un climat de confiance, sans stigmatisation, est indispensable pour permettre au patient d’aborder ses difficultés. L’écoute active, l’empathie et la neutralité favorisent le dialogue et l’adhésion au soin.
Aborder, lors des consultations, les risques liés à certaines pratiques (jeux, écrans, achats en ligne…) fait partie du rôle du médecin. L’information et le conseil personnalisé permettent de détecter des vulnérabilités et d’agir en amont.
Informer sur les dangers des addictions comportementales, proposer des ressources d’aide et encourager la réflexion sur ses habitudes sont des leviers majeurs de prévention.
Les addictions comportementales, longtemps sous-estimées, représentent aujourd’hui un enjeu majeur de santé publique. Leur dépistage précoce en consultation repose sur une vigilance clinique, une écoute active et une approche bienveillante. En tant que médecins, il nous revient de poser les bons mots, d’agir avec discernement et d’accompagner nos patients vers des parcours de soins adaptés, sans jamais perdre de vue la dimension humaine du soin.
Sources :
Cet article a été validé par des professionnels de santé et vérifié par des sources sûres au moment de sa publication. Il ne prétend cependant pas à l’exhaustivité des informations fournies. Le présent article n’a qu’un but informatif et ne remplace pas une formation ou un conseil médical.