Derrière chaque acte réalisé en pharmacie, qu’il s’agisse d’un test de dépistage, d’une vaccination ou de la délivrance d’un médicament, se cache un enjeu souvent invisible mais essentiel : la gestion des déchets médicaux. Entre responsabilités environnementales et obligations réglementaires, les pharmaciens se trouvent au cœur d’un écosystème où rien ne doit être laissé au hasard. Comment trier, collecter et éliminer efficacement ces déchets tout en sensibilisant les patients ?
- Les différentes catégories de déchets médicaux
- Les obligations réglementaires des pharmaciens
- Les bonnes pratiques pour optimiser la gestion des déchets en officine
Les différentes catégories de déchets médicaux
Les déchets d’activités de soins à risques infectieux (DASRI)
Les DASRI regroupent les déchets présentant un risque infectieux, comme les objets coupants ou piquants utilisés pour des soins. En officine, ces déchets proviennent de deux sources principales :
1. Les déchets infectieux générés par les patients eux-mêmes
Un exemple typique est celui du patient diabétique, qui utilise des aiguilles ou des stylos injecteurs. Ici, le pharmacien peut lui fournir une boîte DASRI adaptée et expliquer au patient comment la remplir en toute sécurité et où la déposer une fois pleine :
- La grande boîte à aiguilles : elle offre une capacité de stockage adaptée aux déchets de soins volumineux, limitant ainsi les déplacements vers les points de collecte. Elle est parfaitement adaptée aux besoins spécifiques tels que
- les traitements prolongés ;
- la hauteur compatible avec tous les types de stylos injecteurs ;
- l’ouverture conçue pour accueillir les applicateurs de capteurs de glycémie en continu et autres dispositifs volumineux.
- La petite boîte à aiguilles : pratique et compacte, elle est privilégiée dans les d’autres situations tels que l’usage d’autotests VIH, la mobilité accrue, les traitements de courte durée et l’utilisation par des enfants.
- La boîte violette : destinée aux dispositifs médicaux électroniques (capteurs de glucose, pompes patch...), elle garantit un recyclage adéquat des e-DASRI. Disponible dans toutes les pharmacies.
À ce sujet, il est important de noter que les circuits de collecte peuvent varier selon les régions. Le plus souvent on peut les rapporter en pharmacie, mais il est aussi possible de les déposer dans certaines déchèteries. Les pharmaciens doivent donc être informés des dispositifs locaux pour guider leurs patients.
2. Les déchets infectieux produits par la pharmacie
L’activité des officines génère également des DASRI, notamment à travers les tests de dépistage, les TRODs et les actes de vaccination. Ces déchets doivent être triés et stockés conformément aux réglementations en vigueur. La gestion des déchets TROD soulève parfois des questions spécifiques, notamment sur leur différenciation avec d’autres déchets infectieux. Une question qui n’est, à ce jour, pas encore tranchée par le gouvernement.
Les médicaments non utilisés (MNU)
Les médicaments non utilisés (MNU) représentent un autre type de déchet clé en pharmacie. En France, la filière CYCLAMED est dédiée à leur collecte, avec pour objectif principal de protéger la santé publique et l’environnement. Voici quelques points essentiels :
- Rôle de la pharmacie dans la collecte : Les pharmaciens doivent sensibiliser leurs patients et leurs proches (notamment les aides à domicile) à l’importance de rapporter les MNU et au tri sélectif. Seuls les médicaments sous blister vont dans le carton Cyclamed. Cela limite les risques de pollution de l’environnement et empêche les usages inappropriés en lien avec l’automédication.
- Réglementation stricte : Un pharmacien d’officine ne peut pas réintégrer un médicament délivré, même si l’emballage est intact. Ce principe vise à garantir la sécurité des patients.
- Non-redistribution des MNU : Certaines associations souhaitent redistribuer les MNU à des fins caritatives, mais la réglementation actuelle limite cette pratique en raison de préoccupations sanitaires. Pour rappel du CNOP : “Les MNU sont des médicaments à usage humain non utilisés après leur dispensation, qu’ils soient périmés ou non. Leur réutilisation, y compris à des fins humanitaires est interdite, sous peine de sanctions pénales”
Autres déchets spécifiques
La gestion de ces déchets dépend des initiatives des laboratoires. Ces déchets ne sont ni infectieux, ni des MNU, et le plus souvent, ils ne sont pas recyclables. Certaines entreprises mettent en place des filières de recyclage, et des innovations comme les stylos injecteurs réutilisables sont à l’étude. Par exemple :
- Novo Nordisk et son projet de développement de stylos injecteurs réutilisables en métal, qui réduiraient considérablement les déchets générés par les patients diabétiques. Chaque année en France, environ 25 millions de stylos injecteurs jetables Novo Nordisk sont utilisés par un million de patients*
- Sanofi propose dans certaines régions des boîtes spécifiques pour la collecte des stylos injecteurs usagés, qui sont ensuite récupérés pour un traitement sécurisé.
Déchets liés au préparatoire
Les produits chimiques et substances potentiellement dangereuses utilisés dans les préparations magistrales nécessitent des conditions de stockage et d'élimination spécifiques, définies par la réglementation. Les pharmaciens doivent respecter les bonnes pratiques (BP) de fabrication, qui incluent des consignes sur le stockage et l’élimination.
Exemple concret : manipulation de solvants courants comme l'éthanol
Lors de la préparation de médicaments nécessitant l’utilisation de solvants tels que l’éthanol, des précautions spécifiques s’imposent. Les résidus ou excédents doivent être soigneusement collectés et orientés vers des filières adaptées, conformément aux exigences réglementaires.
Les obligations réglementaires des pharmaciens
Les textes législatifs et normatifs
La gestion des déchets médicaux est encadrée par plusieurs textes législatifs, notamment le Code de la santé publique et des décrets spécifiques sur les DASRI. En tant que producteurs et collecteurs de déchets, les pharmaciens sont responsables de :
- leur tri ;
- leur stockage ;
- leur élimination.
Collecte et tri
Chaque type de déchet doit être trié selon des procédures strictes :
- DASRI : Utilisation de contenants homologués (boîtes jaunes pour les objets piquants, par exemple*).
- MNU : Remise à la filière CYCLAMED après collecte et passage chez les grossistes.
- Déchets chimiques : Stockage séparé et élimination via des prestataires spécialisés.
Stockage et élimination
Le stockage des déchets en officine est soumis à des contraintes réglementaires. Par exemple, les DASRI ne peuvent être conservés que pour une durée maximale d’un mois. Passé ce délai, ils doivent être remis à un prestataire agréé pour leur élimination. Une exception est tolérée pour les petites quantités de déchets (moins de 5 kg), où la durée peut être étendue à 3 mois.
Les pharmaciens doivent veiller à :
- Maintenir des conditions de stockage salubres, évitant tout risque de contamination.
- Éviter les confusions entre les médicaments rapportés par les patients et les médicaments en attente de rangement. La mise en place de procédures de qualité est essentielle pour limiter ces erreurs.
Les bonnes pratiques pour optimiser la gestion des déchets en officine
En 2023, près de 170 000 autotests VIH ont été vendus en France en pharmacie. Mais seulement 38 % des officinaux pensent à remettre aux acheteurs de ces tests une boîte jaune DASTRI afin d’éliminer l’autopiqueur, selon le baromètre IFOP-DASTRI 2024. Moins de quatre pharmaciens sur dix pensent à la boîte DASTRI !
Pour répondre aux exigences réglementaires tout en améliorant l’efficacité de leur gestion des déchets, les pharmaciens peuvent adopter plusieurs bonnes pratiques :
- Sensibiliser les équipes officinales et les patients : organiser des campagnes d’information sur le tri et la collecte des déchets médicaux avec des affiches DASRI bien faites et plastifiées.
- Mettre en place de procédures internes : documenter les étapes de gestion des déchets et former les équipes à leur respect.
- Collaborer avec des prestataires fiables : choisir des entreprises agréées pour la collecte et l’élimination des DASRI et autres déchets spécifiques.
- Suivre et tracer : tenir à jour un registre des déchets pour assurer leur traçabilité et faciliter les contrôles réglementaires.
- Innover : s’intéresser aux nouvelles solutions proposées par les laboratoires (recyclage des stylos injecteurs, conteneurs réutilisables, etc.).
- Mettre à jour des connaissances : la santé est un domaine en constante mutation, c’est pourquoi il est important pour les pharmaciens et préparateurs d’être à jour sur les nouveautés, notamment grâce à la formation continue en officine.
Cet article a été validé par des professionnels de santé et vérifié par des sources sûres au moment de sa publication. Il ne prétend cependant pas à l’exhaustivité des informations fournies. Le présent article n’a qu’un but informatif et ne remplace pas une formation ou un conseil médical.
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